Revue de littérature #19

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Entrée en vigueur du DMA : le paysage numérique va être profondément modifié

Siècle digital : Article rédigé Par Valentin Cimino,  publié le 4 novembre 2022 

Les géants technologiques vont devoir opérer des changements majeurs. Le Digital Markets Act va notamment obliger Apple et Meta à rendre leurs services de messagerie, d'appel vocal et d'appel vidéo « interopérables ».

Le 1er novembre 2022, de nouvelles règles européennes sont entrées en vigueur. Il s'agit des fameux Digital Markets Act (DMA) et du Digital Services Act (DSA). Ces deux nouvelles lois vont profondément changer le paysage numérique en Europe.

Que va changer le DMA en Europe ?

L'objectif est simple : rendre le secteur numérique plus équitable et plus compétitif. En vertu du Digital Markets Act, les nouvelles règles s'appliqueront aux géants de la technologie qui répondent aux critères de « gatekeepers » et les obligeront à faire des concessions.

Le DMA pourrait bien obliger Apple à effectuer des changements majeurs au fonctionnement de l'App Store, de Messages, de FaceTime et de Siri en Europe. Le Digital Markets Act va notamment obliger Apple à rendre les services de messagerie, d'appel vocal et d'appel vidéo « interopérables ». Concrètement, cela signifie que des applications de Meta telles que WhatsApp ou Messenger, devraient être compatibles avec iMessage, son équivalent chez Apple. Les géants technologiques seront normalement obligés de se conformer à cette règle au sein de l'Union.

Le DMA entre dans une phase de mise en œuvre de six mois et commencera réellement à s'appliquer le 2 mai 2023. En théorie, les « gatekeepers » auront jusqu'au 6 mars 2024 pour se conformer aux règles de l'Union européenne.

Pour Margrethe Vestager, Vice-présidente exécutive de la Commission européenne, « le DMA va profondément modifier le paysage numérique. Avec cette règle, l'Union européenne adopte une approche proactive pour garantir des marchés numériques équitables, transparents et contestables ».

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Sortir du capitalisme, condition nécessaire mais non suffisante face à la crise écologique

Article The Conversation, publié le 11 novembre 2022 par Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles.

Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique.

Dans « L’Emballement du monde », qui vient de paraître aux éditions Écosociété, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. 

Le concept d’Anthropocène suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable. Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre. Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.

C’est principalement en raison de cette défaillance conceptuelle qu’Andreas Malm a proposé, l’un des premiers, la notion de « Capitalocène » comme solution de remplacement. L’humanité évoluerait dans cette époque depuis environ 200 ans, au moment de la mise en place du capital fossile – un système défini par Malm, rappelons-le, comme « la production de valeur d’échange et la maximisation des profits au moyen de l’énergie fossile ». Bien qu’elle soit très enrichissante sur le plan intellectuel, cette idée n’est pas non plus exempte de défauts.

L’avènement du capitalisme fossile

Tout d’abord, si le concept de Capitalocène sert à désigner une nouvelle époque géologique qui aurait commencé avec la révolution industrielle, alors il souffre d’un problème de dénomination, car le capitalisme ne désigne pas un mode d’organisation économique que l’on peut restreindre aux 200 dernières années. […] Il a existé en Europe un capitalisme marchand que l’on peut qualifier de « concentré » à partir du XIIe siècle environ. 

Comme le synthétise l’archéologue Dominique Garcia : « L’accumulation du capital couplée à la recherche de profit s’est d’abord développée avec l’appareil d’État et les institutions des palais et des temples. » […] La question de l’origine antique ou médiévale du capitalisme est très complexe, et il n’est pas question ici de tenter d’y répondre convenablement. Malgré tout, il faut admettre que le capitalisme marchand du second Moyen Âge et du début de la période moderne a été suivi à partir du XIXe siècle par un capitalisme fossile, auquel on peut d’abord ajouter le qualificatif d’« industriel », mais qui serait peut-être mieux désigné aujourd’hui par le terme « financier » – même si l’industrie reste forcément le soubassement sur lequel la finance et les services s’appuient pour activer leurs processus d’accumulation du capital. 

La dénomination de Capitalocène n’est donc pas adaptée pour désigner les 200 dernières années du capitalisme fossile, comme Andreas Malm et d’autres souhaitent le faire. Si Capitalocène il y a, celui-ci remonte au XVIe siècle, voire au début du second Moyen Âge (XIIe siècle), et peut-être même à l’Antiquité dans des formes plus diffuses.

Des régimes non capitalistes extrêmement extractivistes

Ensuite, le terme Capitalocène tend à évincer un fait majeur du XXe siècle, à savoir que des régimes non capitalistes – ou en tout cas n’autorisant pas la propriété privée – ont été extrêmement extractivistes et polluants. Tout comme les sociétés capitalistes, ces régimes d’inspiration socialiste prenant la forme de collectivismes bureaucratiques et totalitaires ont massivement eu recours aux énergies fossiles, tout en engendrant des désastres écologiques comparables à ceux du capitalisme occidental.

Andreas Malm reconnaît cette objection et il propose d’ailleurs de désigner par « stalinisme fossile » ce type de système économique qui se définit par « la maximisation du pouvoir bureaucratique au moyen des combustibles fossiles ». Pour autant, Malm ne conclut pas que cette réalité invalide sa proposition d’utiliser le concept de Capitalocène pour désigner l’époque où l’humanité est devenue une force agissante d’ampleur tellurique. Cela n’enlève strictement rien au problème : il a existé des économies fossiles ne reposant pas sur le capitalisme (de propriété privée) au XXe siècle, et il faut reconnaître que les doctrines socialistes et communistes ne se sont réellement souciées des contraintes écologiques qu’assez récemment. Ceci renforce l’idée que le concept de Capitalocène est inadapté pour correctement qualifier la période pendant laquelle les activités humaines ont fait sortir la Terre de l’Holocène.

Un jour, la fin de l’accumulation infinie ?

En plus de son incapacité à capter la réalité du passé, le concept de Capitalocène pourrait être aussi inopérant dans le futur. Même s’il est difficile de le définir, le capitalisme a bien eu un début et par extension il est fort probable qu’il aura une fin – même s’il nous paraît parfois plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme. 

Cette fin du capitalisme ne correspondra sûrement pas à une chute brutale. Comme son origine, elle sera issue d’un long processus qui impliquera qu’au bout d’un moment, à force de mutations, le mot « capitalisme » recouvrira une réalité trop différente pour que les politologues et les économistes continuent d’utiliser cette notion. Dans ce futur hypothétique, les humains vivront peut-être dans des sociétés non capitalistes, mais en soi cela n’implique pas automatiquement que les activités humaines ne perturberont plus l’environnement à une échelle planétaire. 

L’hypothèse d’un communisme réel

Plutôt que de réfléchir à cette question par un voyage dans le futur, tentons de voyager dans le passé. Imaginons qu’à partir du XVIe siècle, le monde ait emprunté une trajectoire différente. Au lieu de prendre la voie du capitalisme moderne en allant exploiter les Amériques et l’Afrique, l’Europe aurait choisi celle d’un communisme réel – donc très loin des expériences soviétiques et chinoises de collectivisme d’État que nous avons connues au XXe siècle. Maintenant, quels arguments peut-on avancer pour établir que, dans ce genre de configuration, les combustibles fossiles n’auraient pas été exploités ? Mais est-on certain que ces intellectuels auraient fait preuve du même égard pour le climat et la biodiversité s’ils avaient vécu au XVIIIe ou au XIXe siècle ? Et en dehors de ces individus, en quoi les sociétés dans leur ensemble auraient-elles été mieux positionnées pour choisir délibérément de renoncer à l’abondance matérielle associée à la manne fossile ? Honnêtement, on ne voit pas bien comment élaborer un argumentaire convaincant.

Ainsi, si on peut être certain de la nature intrinsèquement destructrice du capitalisme – et qu’en cela les souhaits de développement durable, de croissance verte et d’économie circulaire s’inscrivant dans ce cadre ne pourront jamais être autre chose que de vaines incantations –, rien ne dit qu’une économie non capitaliste conduirait automatiquement à une société plus soutenable.

Exploitation, accaparement, pillage

Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. Si les géologues du présent entérinent finalement la sortie de l’Holocène et nomment Capitalocène l’époque géologique actuelle, ceux du futur se retrouveront dans une situation très embarrassante si le capitalisme vient à disparaître, mais qu’en même temps les humains maintiennent leur emprise destructrice sur la planète.

Enfin, comme le concept d’Anthropocène, celui de Capitalocène entraîne un problème d’identification des responsabilités. Il pourrait tout d’abord laisser penser à certains que les capitalistes – c’est-à-dire les détenteurs des moyens de production – sont les seuls coupables.

La réalité est tout de même plus complexe […], et chaque individu peut comprendre qu’il participe lui aussi à la perpétuation du capitalisme fossile, ne serait-ce que par ses choix de consommation – ou plutôt par son non-choix de changer radicalement son mode de vie –, sans oublier bien sûr la responsabilité énorme qui revient aux dirigeants politiques à cause de leur inaction. […]

Mais quoi qu’il en soit, avec le concept de Capitalocène, ce que Malm et d’autres penseurs souhaitent désigner comme le vrai responsable des maux de l’humanité correspond plutôt au capital, c’est-à-dire le rapport social d’exploitation qui existe entre les capitalistes et les travailleurs ne détenant pas les moyens de production. La source de la propension destructrice de certaines sociétés humaines – dans lesquelles se trouve la quasi-totalité de l’humanité aujourd’hui – se situerait donc non pas dans le fait qu’il existe des capitalistes en tant que tels, mais dans le fait que ces derniers – comme d’autres avant eux – sont en mesure d’exploiter leurs semblables, notamment en rétribuant leur force de travail à une valeur inférieure à celle produite réellement par ce travail, afin de créer une plus-value qu’ils peuvent accaparer.

En fin de compte, la logique du capital renvoie à un phénomène plus large que chacun peut observer dans l’histoire et surtout dans sa vie quotidienne : l’existence protéiforme et omniprésente de relations de domination entre les individus

 Le capitalisme n’est donc pas en soi la cause ultime de la destruction de notre environnement global, même s’il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une efficacité redoutable dans ce domaine, en particulier depuis qu’il est basé sur l’énergie fossile.

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LE VERT DU FAUX : Peut-on affirmer que « la France émet moins de 1 % du CO2 mondial » ?

Alors que la 27ème conférence des Nations unies (COP27) sur le climat vient de s’ouvrir, on voit à nouveau fleurir cet argument dans les discours et sur les réseaux sociaux pour minimiser les efforts que la France aurait à fournir en comparaison avec d’autres pays. Un chiffre largement trompeur employé pour remettre l’action climatique à plus tard.

Article publié le 10/11/2022 par Loup Espargilière

La France émet bien moins de 1 % du CO2 mondial…

Si l’on divise les 56,4 milliards de tonnes d’équivalent-CO2 (qui agrègent l’ensemble des gaz à effet de serre) émises à l’échelle mondiale en 2019, par les 441 millions de tonnes rejetées par la France la même année, on arrive à 0,78 % du total. Pour le seul CO2, essentiellement lié aux énergies fossiles, ce chiffre monte à 0,9 %.…

Tout comme la quasi-totalité des pays du globe

Des pays qui émettent moins de 1 % du CO2 mondial, il y en a des dizaines et des dizaines. Outre une poignée de géants, la quasi-totalité des pays du globe émet moins de 2 %, comme le montre ce graphique d’Our World in data.

Absolument tous les pays doivent agir sans plus attendre – surtout les plus riches – pour réduire leurs émissions

Pour contenir le réchauffement à moins de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, objectif dont ont convenu la quasi-totalité des pays du globe pour éviter les pires effets de la crise, l’humanité ne peut plus émettre que 300 milliards de tonnes de CO2. Soit moins de 7 années au rythme actuel. L’humanité va devoir, en moyenne, diviser par trois ses émissions de gaz à effet de serre pour passer sous la barre des deux tonnes par personne et par an et viser la neutralité carbone – l’équilibre entre les dernières émissions et ce que la planète peut absorber. 

Un argument classique de l’inaction climatique

Rejeter la faute sur les autres pour ne pas agir soi-même, c’est l’argument de l’« aquoibonisme, bien connu des experts de l’inaction climatique (notre article sur le sujet). Alors que le changement climatique fait déjà rage à travers le globe, y compris en France, tout discours visant à retarder l’action de la France contribuera à causer des destructions supplémentaires.

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