Transition écologique : « Mettons en réseau les laboratoires de recherche des organismes nationaux et les universités »
Tribune du Monde, de Laurent Petit, Professeur en sciences de l’information et de la communication.
Publié le 16 décembre.
Laurent Petit, professeur en sciences de l’information et de la communication, estime, dans une tribune au « Monde », que la lutte contre la pollution passe par un renouvellement des relations entre chercheurs et citoyens, en s’appuyant notamment sur l’apport des sciences participatives.
"Les atteintes graves et multiples à notre environnement sont à peu près universellement connues, et ce depuis longtemps. Et cependant, des actions visant à lutter sérieusement contre la pollution aux pesticides, à ralentir le changement climatique ou à enrayer l'effondrement de la biodiversité tardent à se mettre en place. On y voit souvent la preuve d'un enseignement des sciences déficient et d'une culture scientifique lacunaire chez les politiques et les citoyens. Une forme de déni collectif est également souvent mise en avant.
Peut-être faudrait-il s'interroger également sur la perte d'autonomie de la prise de décision publique ? Dès lors que le marché est devenu - sans que cela puisse se discuter sérieusement - le régulateur de toute chose et la cacophonie informationnelle à son comble, la question se pose avec une acuité nouvelle, particulièrement lorsque sont en jeu des décisions susceptibles de heurter des intérêts industriels.
Réponses plurielles
Les groupes de pression organisés ont alors les moyens de lancer des controverses artificielles pour faire diversion. Les lobbys peuvent également – et là est peut-être l’élément le plus inquiétant – s’inviter dans les processus de décision et faire en sorte que leur point de vue s’impose. Face à des phénomènes d'une telle ampleur et d'une pareille complexité, les réponses ne peuvent être que plurielles. De nombreuses actions ont déjà été menées depuis plusieurs années notamment celles visant à construire de nouveaux rapports entre les sciences et la société. Plus récemment les sciences participatives, s'inscrivant dans le mouvement plus vaste de la science ouverte, font l'objet d'avancées notables.
Science participative
Pour aller plus loin, il s’agirait de mettre en réseau les laboratoires de recherche des organismes nationaux et des universités volontaires, regroupant un spectre disciplinaire large, pour s’engager dans un projet de science participative répondant à trois objectifs.
Les étapes et les coûts
Car, au-delà de la mise en commun d’une expertise scientifique de haut niveau aisément mobilisable, ce réseau devrait s’atteler à la mise au jour des enjeux communicationnels et socio-économiques des politiques industrielles et à leur compréhension par un large public.
Enfin, il devrait s’attacher à la définition des conditions de l’émergence d’un modèle de société plus respectueux de son environnement. Ce travail pourrait aboutir à l’écriture participative de scénarios traçant les logiques économiques et sociales de nouvelles manières d’habiter, de se nourrir, de se vêtir, de se déplacer, de se distraire, etc., et en précisant les étapes et les coûts. Si la communauté scientifique n’est pas là pour écrire à la place des politiques le récit de la transition écologique, elle doit y prendre sa part.