Revue de littérature #31

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Educause : les enjeux de l'ESR sous le prisme des USA

Article rédigé par Céline Authemayou, chargée de projet communication, Groupe INSA. Publié le 7 février 2023.

Quoi de neuf, dans l’enseignement supérieur état-unien ? Depuis dix ans, une délégation d’expertes et d'experts de l’ESR français se rend aux États-Unis pour assister à EDUCAUSE, grande conférence dédiée à l’Enseignement supérieur et au numérique. Entre colloques et visites d’établissements, les experts reviennent avec dans leur bagage un rapport d’une extrême richesse, qui analyse les tendances venues d’outre-Atlantique. Le rapport de l’édition 2022 vient tout juste d'être publié. 

Des établissements en difficulté financière

Pris en étau entre une démographie défavorable, une baisse du nombre d’étudiants internationaux et des coûts d’études en augmentation du fait de l’inflation, les établissements américains se retrouvent en grande difficulté financière. Les coûts de fonctionnement augmentent, et, cercle vicieux, les droits d’inscription également, pour renflouer les caisses. Dans un contexte de dette étudiante loin d’être réglée, le cocktail est détonnant. La conséquence ? Des établissements ont mis ou vont mettre la clé sous la porte, laissant sur le carreau des étudiantes et étudiants sans diplôme et criblés de dettes. 

Côté RH, une crise du recrutement

Tout comme en France, force est de constater que les établissements américains font face à une crise du recrutement, notamment au sein des fonctions numériques, constate le rapport Educause. Pour pallier cette situation, les établissements doivent assouplir leur organisation, octroyer du télétravail jusqu’à 100 % du temps de travail et se tourner vers des profils moins experts sur le plan technique mais prêts à se former. Pour attirer les personnels dans les fonctions numériques, les dirigeants doivent être prêts à les impliquer dans les plus hautes instances de décision, pour intégrer les projets technologiques dans la stratégie d’établissement. Tous ces changements nécessitent plus que jamais une évolution de la fonction managériale : redonner du sens au travail, embarquer les équipes…

De nouvelles « consommations » pédagogiques

L’offre pédagogique en ligne déployée durant la crise sanitaire n’a pas disparu. Au contraire, elle continue d’être plébiscitée par les étudiantes et étudiants : les inscriptions aux cours en ligne restent deux fois plus élevées qu’avant la pandémie. Les étudiants ont besoin de flexibilité et les établissements doivent s’y adapter. Il faut réorganiser les campus et les espaces d’enseignement pour répondre à cette demande. Mais aussi gagner en robustesse du côté des fonctions SI, car « les utilisateurs ont des attentes très élevées à l’égard des outils qu’ils utilisent », souligne la délégation française dans son rapport.

Une utilisation de plus en plus courantee des données étudiantes

C’est un sujet évoqué à Educause depuis plusieurs années : comment utiliser les données étudiantes pour fluidifier l’organisation, développer de nouveaux services, etc. ? Si le phénomène se déploie chaque année un peu plus (avec une utilité pour, entre autre, analyser les premiers signes de décrochage des étudiants), les experts notent que les institutions US récoltent trop de données, sans réelle stratégie et dans des conditions juridiques relativement floues. Il est loin, le RGPD !

Un ESR marqué par les événements Black Live Matters

Enfin, difficile de ne pas parler du contexte social qui a traversé et traverse les États-Unis. Loin des problématiques SI, le rapport Educause note que les événements liés à la mort de Georges Floyd et le mouvement Black Lives Matter sont dans les têtes des dirigeants d’établissements. Ce qu’ils appellent l’approche DEI (Diversité Equité Inclusion) est traitée. Mais c'est aussi et surtout un sujet de débats, dans un pays plus que jamais clivé. Il faut lire ce billet du Chronicle Higher of Education, où l’on apprend que les militants conservateurs tentent de faire supprimer les services « diversités » des établissements car ils seraient discriminants... 

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Essai - « Vortex. Faire face à l’anthropocène », de Laurent Testot et Nathanaël Wallenhorst : face aux défis environnementaux, hiérarchiser les priorités

Article du Monde payant, par Marie-Hélène Fraïssé - Publié le 27 janvier 2023

Une utile synthèse sur un sujet brûlant.

Le temps du déni est derrière nous. L’humanité a altéré dangereusement la planète qui l’a vue naître puis croître de manière exponentielle. Avec pour conséquence un legs empoisonné dont on mesure déjà les effets. L’usufruitière abusive a le blues. Par quel bout commencer pour enrayer la ­machine infernale ? Dans ce contexte, où tout un chacun se sent simultanément coupable et victime, Vortex.

Faire face à l’anthropocène est un utile ouvrage de synthèse, rédigé d’une double plume alerte. Celle d’Alain Testot, journaliste scien­tifique, spécialiste d’histoire globale et auteur de Cataclysmes. Une histoire environnementale de l’humanité (Payot, 2018). Et celle de Nathanaël Wallenhorst, docteur multidisciplinaire (sciences politiques, environnement, éducation), auteur prolifique d’essais plutôt moins pessimistes que son coauteur, tel Mutation. L’aventure humaine ne fait que commencer (Pommier, 2021).

Ce tandem s’est formé sur l’idée que, malgré notre écoanxiété, nous manquons d’éléments suffisants pour nous faire une opinion solide et hiérarchiser les priorités. A cette fin, il commence par démasquer les contrevérités les plus communes : non, les énergies – du bois au tout-électrique, en passant par le charbon et le pétrole – ne se substituent pas l’une à l’autre, mais s’additionnent. Non, le critère d’évaluation d’une vie bonne ne devrait pas être le niveau de revenu mais l’indice de bien-être. Petit manuel d’« anthropocène pour les nuls », Vortex prend également le parti, rare sur un tel sujet, d’en rire à l’occasion.

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Le futur est une chose publique

Texte de Lucas Piessat et Gauthier bravais, publié sur Millénaire 3 le 11 octobre 2022.

« Le futur est une chose publique », affirment Lucas Piessat et Gauthier Bravais.

"Chargés de conseiller, outiller et alimenter l’activité éditoriale de la Direction de la Prospective et du Dialogue Publique de la Métropole de Lyon depuis plusieurs années, les deux experts - issus de l’information et de la communication - s'interrogent sur le rôle de la prospective.

Alors que notre société, dos au mur, persiste dans le déni et creuse ses fractures, ils perçoivent dans l’activité prospective un puissant ressort de lien, d’action et d’émancipation collective. À condition de l’envisager dans une perspective démocratique, où les citoyens ont les moyens de s’en saisir et d’y contribuer pleinement.

Demain, l'apocalypse. C'est à ce constat tétanisant que l'on se rend à la lecture de nouvelles qui n'ont de nouveauté que le nom : retour de la guerre et des pénuries sur le territoire européen, épidémies, crises sociale et démocratique, le tout sur fond d'une mise en cause radicale de nos modes de vie par l'entrée dans l'Anthropocène. Dans ce contexte, et à tous les échelons, le politique se démène pour presser le peuple derrière lui vers les issues de secours : l’innovation, la transition, la rupture, la résilience, la planification ou, depuis peu, la bifurcation.

À force de pédagogie, ces options sont pourtant bien connues mais si peu discutées qu’elles restent souvent des mots d’ordre ou des éléments de langage. Sans adhérence sur le corps social, ces récits patinent et finissent par échouer à mobiliser massivement et à transformer les pratiques au point où la situation l’exige. Pire, les publics s'éclipsent, la participation à la vie publique s'éteint, et la capacité d'entraînement du politique s’érode au même rythme que sa représentativité. Nous souffrons de l’absence de projections qui soient non seulement comprises, mais surtout partagées, débattues, choisies. Un futur commun, envisagé collectivement, devient aussitôt un puissant levier de mobilisation et de mise en action du corps social. Du point de vue de la puissance publique, substituer la fabrique de futurs souhaitables à la fabrique du consentement représente donc une opportunité autant qu’un devoir.

Dans cette idée, la prospective, entendue comme l’activité nous permettant de produire des rapports au futur, apparaît comme l’outil d'exploration, de partage et d’information idoine pour construire les bases de ces projections communes."   

Voici les grandes idées qui émanent de ce texte : 

  • L'information c'est le changement
  • Se réapproprier collectivement le futur
  • Partager, faire atterrir et participer, expérimenter : les affects de la prospective
  • Face à la sidération, choisir de considérer

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Adaptation au changement climatique : les politiques publiques doivent changer leur logiciel

Article de Banque des territoires - Publié le 31 janvier 2023 par Philipe Marcangelo Leos / MCM Presse pour Localtis

L’adaptation au changement climatique doit devenir "un véritable réflexe" pour l'État et les collectivités, tel est le mot d’ordre insufflé lors de la table ronde, organisée ce 30 janvier, par France Stratégie et l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), en présence du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, et de décideurs locaux, pour faire le point sur la politique d’adaptation dans les territoires et sa nécessaire montée en puissance, quelques mois après un été ravageur, marqué notamment par la canicule, la sécheresse et les incendies.

Le message adressé à tous les ministères, aux opérateurs publics, aux collectivités, aux maîtres d’ouvrages est clair : se poser la question de l’adaptation doit devenir systématique quand on conçoit une politique ou un projet d’investissement. Les récents travaux d’I4CE l’ont montré : chaque année, au moins 50 milliards d'euros d’investissements publics sont encore réalisés sans que l’on sache exactement si les conséquences du changement climatique sont bien anticipées. Politiques d’atténuation et d’adaptation sont bel et bien complémentaires.

"Il nous faudra éviter l'ingérable, par les politiques de décarbonation, tout en gérant l'inévitable, par l'adaptation aux changements climatiques", résume dans une formule forte Morgane Nicol, directrice de programme à I4CE. Contrairement à l’atténuation, synonyme de neutralité carbone à horizon 2050, pour laquelle la France ne détient pas à elle seule les clés, la réussite des politiques d’adaptation "ne dépend que de nous", relève Cédric Audenis commissaire général adjoint de France Stratégie, autrement dit "l’impréparation est désormais un choix", appuie Morgane Nicol.  

Un objectif mieux compris et mieux partagé

Le coût de l’inaction face au changement climatique est aujourd’hui un élément des Plans Climat Air Énergie territoriaux (PCAET). L’adaptation est donc "un objectif mieux compris et mieux partagé", constate Morgane Nicol, et elle devrait être au cœur de l’agenda politique de 2023, et en particulier de la prochaine loi de programmation énergie-climat. Il y a désormais "un consensus sur le fait qu’il faut avancer. La question aujourd'hui est : comment on accélère l’adaptation ?", souligne-t-elle. "On est en train de sortir du tabou sur l’adaptation", se félicite également Ronan Dantec, sénateur de la Loire-Atlantique et président de la commission spéciale chargée de l'orientation de l'action de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE). L'étape d’après étant, selon lui, "de tous avoir la même référence sur laquelle travailler et ne pas exclure l'hypothèse d’un scénario principal de + 4°C qui soit au-dessus des objectifs de l'Accord de Paris". La future loi de programmation énergie-climat qui va définir la trajectoire sera donc un moment clé.

"Sans capituler, on doit modéliser des trajectoires plus pessimistes", admet Christophe Béchu, qui envisage d'ailleurs "deux scénarios dans notre stratégie d’adaptation autour de 2 et 4 °C". Assumer une trajectoire, c’est à la fois éviter l’écueil de la "maladaptation"et "crédibiliser nos trajectoires sur le long terme"."Pour lever les blocages, il faut objectiver le coût de l’inaction. Le pire serait qu’on laisse faire des choses en ne prêtant pas attention à ce que les experts nous disent. On n’a pas le temps, et c’est un gaspillage de ressources que l’on ne peut se permettre", insiste le ministre s’appuyant sur l’exemple bouillant du zéro artificialisation nette (ZAN).

Des collectivités en mouvement mais des moyens humains et financiers à conforter

Il y a quand même des "bonnes nouvelles"… "Des solutions sont identifiées et on voit un peu partout des innovations prometteuses au sein des territoires", souligne Morgane Nicol, citant par exemple, le GIP littoral aquitain, la station Metabief dans le Jura ou la prospective transport de la région Sud. Une grande partie des mesures reposent en effet sur les collectivités, qui disposent d’importants leviers d’adaptation et doivent dès maintenant mettre en place de nombreuses actions sans regret. Elles ne pourront toutefois les mobiliser que si certaines conditions sont réunies au niveau national, et notamment pour des questions d’équité et de solidarités territoriales. Morgane Nicol en identifie quatre : des exigences, une gouvernance, qui permettent de se poser les bonnes questions au bon moment, des moyens humains et de l’ingénierie et enfin des financements.

L’analyse est partagée par Ronan Dantec. À ses yeux "on n’est pas si loin d’y arriver". Toutefois, si les cadres de la relation entre l'État et les collectivités ont été "globalement écrits", "il manque le flux financier" et "un coup de pouce sur l’ingénierie pour les intercos" au risque de se trouver dans un goulet d’étranglement. Selon lui, il faut sortir d’une logique de financement par projets pour rentrer dans"une logique de dotations et de contractualisation sur les objectifs d’investissement".

Le fonds vert doté de 2 milliards d’euros est un dispositif inédit, rappelle Christophe Béchu, qui met également en perspective la discussion sur les nomenclatures de budgets verts pour les collectivités prévue en juin. Pourrait s’en suivre un débat sur la dette verte des collectivités. Le ministre a en outre évoqué la bonification des aqua-prêts dans le cadre du plan Eau. Il faut aussi réfléchir, selon lui, "en crédits en moins dans certains domaines", en arrêtant de financer des "dépenses brunes". L’urgence exige de "s’affranchir du cadre budgétaire", relève t-il, évoquant notamment la proposition de loi ouvrant aux collectivités le mécanisme du tiers financement en matière énergétique adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale la semaine dernière. C’est donc "la totalité du chantier du financement" qui est à conduire en parallèle de celui des actions, notamment sur le ZAN. Le changement climatique met par ailleurs le secteur de l’assurance à rude épreuve. Cédric Audenis a fait écho de questionnements là encore essentiels : quelle responsabilisation des acteurs privés ? quelle mutualisation des risques ? qu’est-ce que la solidarité nationale va prendre à sa charge ?

Prendre le temps de la pédagogie

"Nos chantiers en tant que collectivités locales sont simples : comment rendre à marche forcée nos territoires résilients, transformer notre utilisation des ressources et reconstruire la ville selon de nouveaux concepts de sobriété et de bien-être", schématise Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule. 

Rendre l’adaptation opérationnelle, en travaillant avec la diversité des collectivités, en tenant compte de leur degré d’avancement sur la question, c’est une des préoccupations de l’Ademe. Son président, Boris Ravignon, sous sa casquette de maire de Charleville-Mézières, a également mis en relief l’importance des études pour concevoir des projets qui prennent bien en compte les évolutions du climat, au besoin en développant "une pédagogie du temps d’étude".

La priorité est d’embarquer les parties prenantes

"La norme, c’est l’État. L’application de la norme, ce sont les collectivités", simplifie Ronan Dantec, qui invite à trouver "des formes de souplesse y compris parfois de dérogations, des lieux de consensus et de la mutualisation". Pour Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, "la priorité des priorités, c’est d’embarquer tout le monde"dans la trajectoire d’adaptation qui doit-être"l’épine dorsale dans tous les projets qui nous sont proposés". 

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