Conférence d'Alexis Kauffmann - Soutenir le développement des communs numériques

Journée sur les logiciels libres - Labri - 14 avril 2023

Le LaBRI, le Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique, a organisé une journée dédiée aux logiciels libres en présence d'Alexis Kauffmann, chef de projet de logiciels et de ressources éducatives libres, qui traite également de la mixité dans les filières du numérique. Il travaille à la Sous-direction de la Transformation Numérique, au sein de la Direction du Numérique pour l'Éducation, relevant du Ministère de l'Éducation Nationale et de la Jeunesse.

Dans son exposé intitulé "Soutenir le développement des communs numériques", Alexis Kauffmann a présenté sa vision sur la question.

Éducation et logiciel libre

Alexis Kauffmann est convaincu que l'éducation et le logiciel libre vont de pair, et que l'utilisation des logiciels libres peut apporter de nombreux avantages dans le domaine de l'éducation. Malheureusement, le ministère semble ne pas accorder suffisamment d'attention à cette question cruciale. Bien que la route à parcourir soit encore longue, il est important de continuer à promouvoir l'utilisation de logiciels libres dans l'éducation. Selon lui, la voie est libre et il est important de continuer à travailler en faveur de cela.

Alexis Kauffmann prend l'exemple du confinement. Il travaillait au sein de Framasoft et a constaté une surcharge d'utilisation de Framatalk, l'un des nombreux services proposés par Framasoft. Cette utilisation accrue a souligné l'urgence de redécentraliser les services en ligne afin de garantir leur disponibilité et leur stabilité, même en cas de forte demande. Dans le domaine de l'enseignement supérieur, il est important de noter que ces services ont été utilisés sans informer ni soutenir l'organisation. Cela met en évidence la nécessité d'une meilleure communication et d'une coopération accrue entre les utilisateurs et les fournisseurs de services en ligne pour garantir une utilisation responsable et efficace des ressources numériques.

Alexis Kauffmann évoque les états généraux pour l’éducation de 20201, une grande initiative citoyenne pour répondre à la crise éducative, en soulignant l'importance de la participation de tous les acteurs concernés. Il est intéressant de noter que certains ont joué le jeu en proposant des solutions concrètes pour améliorer le système éducatif. L'une de ces propositions est la numéro 38, qui vise à valoriser et encourager l’utilisation de logiciels et de ressources éducatives libres. Cette mesure pourrait avoir un impact significatif sur l'accès à l'éducation pour tous, en permettant une diffusion plus large et plus économique des connaissances et des compétences. Il s'agit là d'une initiative prometteuse qui mérite d'être soutenue et développée dans le cadre d'une politique éducative globale et ambitieuse.

Alexis Kaufmann, qui travaillait pour Framasoft à cette époque, exprime sa frustration quant à l'absence d'attention du ministère de l'Éducation envers l'utilisation des logiciels libres dans l'éducation. Il pense que le ministère aurait pu envisager l'utilisation de ces logiciels, mais qu'ils ne sont jamais venus voir Framasoft pour en savoir plus.

Il termine cette introduction en faisant référence à son article écrit en 2008, "Mon ministère me désespère... ou le fabuleux non destin du logiciel libre à l'école française"2, mettant en lumière les défis auxquels le logiciel libre était confronté dans le contexte éducatif français.

Stratégie du numérique 2023-2027

Alexis Kauffman soutient que l'utilisation du terme "Commun"est plus facile à utiliser en termes politiques que celui de"Logiciel libre". Les communs font partie de l'Axe 3 de cette stratégie1, qui prône une communauté éducative soutenue par une offre numérique raisonnée, pérenne et inclusive. En d'autres termes, la pérennité et la souveraineté sont des éléments clés de cette approche. Les communs peuvent être considérés comme une réponse à cet axe de pérennité, en offrant une alternative durable et inclusive pour soutenir les communautés éducatives. Ainsi, en intégrant les communs dans leur stratégie, les décideurs peuvent renforcer leur engagement en faveur d'une éducation durable et accessible.

Une gouvernance partagée du commun numérique

Selon Alexis Kauffmann, une gouvernance partagée du commun numérique est nécessaire.

Au sein de l'Education Nationale, des progrès considérables ont été réalisés dans l'utilisation de logiciels libres pour les ressources éducatives. Cependant, il note que la mise en place d'une gouvernance partagée est un processus compliqué et difficile en raison du caractère plutôt hiérarchique du système actuel. En outre, bien que les enseignants soient consultés, il est nécessaire d'aller au-delà de la simple consultation car ils sont les principaux concernés. Ainsi, il est important de mettre en place des mécanismes de collaboration et de co-création pour impliquer les enseignants dans le processus de gouvernance. Cela permettra également de garantir une meilleure adhésion et une utilisation optimale des ressources numériques éducatives.

Initiatives

Le secteur de l'éducation est très actif dans le domaine du libre. Alexis Kauffman évoque les Edtech, qui sont des technologies éducatives possédant des circuits balisés depuis longtemps. Cependant, ce qui vient du terrain est moins évident. Pour l'Éducation Nationale, Alexis mentionne une forge en version bêta pour les communs numériquesqui sera officiellement lancée l'année prochaine. Il cite également l'exemple du ministère de l'Éducation nationale qui propose une instance Mastodon, faisant de lui le seul ministère à le faire.

Selon lui, il est important d'identifier deux besoins : avoir un espace de forge pour les talents, et permettre également aux professeurs de créer des contenus à partir des forges (des documentations). De plus, cet espace doit être ouvert aux agents.

Alexis revient sur la Journée du libre éducatif qui a eu lieu le 7 avril à Rennes2, un événement très orienté vers les enseignants. Les objectifs étaient d'acculturer un territoire et d'animer l'écosystème. Cependant, comment valoriser et encourager le partage de contenus si cela n'a pas de reconnaissance dans la carrière ? Les enseignants ne reçoivent pas d'heures supplémentaires pour cela. C’est un vrai enjeu à prendre en compte

En conclusion, selon Alexis Kauffmann, nous marchons sur deux jambes quand nous parlons des communs numériques. Il y a une résistance en interne, ce terme n'est pas clairement défini. Il existe également une résistance de la filière industrielle, qui craint la concurrence. Les éditeurs du marché numérique, tels que Hachette, en sont un exemple, avec des enjeux et une pression considérables. Cette question est donc plutôt politique.