Retour sur la Conférence dialoguée « Politiser le renoncement » d'Alexandre Monnin

4 mai 2023, Conseil départemental de la Gironde

Alexandre Monnin est Professeur à l’ESC Clermont Business School en redirection écologique et design, Directeur du MSc « Strategy & Design for the Anthropocene » (ESC Clermont BS x Strate Ecole de Design Lyon) et Directeur scientifique d’Origens Media Lab.

Il présentait son dernier ouvrage "Politiser le renoncement", le 4 mai dernier au Conseil départemental de la Gironde.

"L’humanité dépend pour sa survie d’une organisation sociale et d’infrastructures qui ne pourront être indéfiniment maintenues. Pour que la Terre reste habitable, il faut organiser le renoncement, pas seulement à l’échelle individuelle, mais aussi à l’échelle de ces « communs négatifs » qui composent notre cadre de vie. Le problème est qu’on ne redevient pas facilement « terrestres » à huit milliards. Ce livre propose une politique des communs négatifs qui nous permette de penser les moyens d’un détachement anticipé et non brutal pour les populations les plus fragiles."1

Alexandre Monnin nous explique d'abord la distinction entre les termes "politique"et"politiser". Il souligne l'importance de politiser le renoncement. Il évoque également la notion d'héritage et propose une autre trajectoire. Comment pouvons-nous collectivement établir un cadre et des critères de justice ? Comment pouvons-nous créer un cadre qui ne fait pas empirer la situation ? Comment pouvons-nous exprimer notre volonté de démanteler ?

Retour sur la Technosphère : un ensemble construit par les êtres humains

Alexandre Monnin revient sur la notion de la technosphère qui fait référence à tous les objets technologiques créés par l'homme, mais elle ne se limite pas à cela. Elle ne peut être considérée simplement comme une collection d'appareils technologiques en constante expansion ; elle est un système à part entière. Cette différence est cruciale et peut être comparée au concept de biosphère1 (ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie, donc la totalité des écosystèmes présents que ce soit dans la lithosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère2).
Le terme "technosphère" a été créé par Vladimir Vernadsky3 et désigne la partie physique de l'environnement modifiée par l'homme.

Pour Alexandre Monnin, il est important de prendre en compte non seulement les êtres vivants et l'invisible, mais aussi notre dépendance à la technosphère. Comment pouvons-nous nous réapproprier notre environnement ? Quelle est la place de la technosphère ? Latour utilise les termes "hors sol"et "terrestre", dans son ouvrage"Où atterrir ?"4, mais où doit-on placer la technosphère ?

Les communs négatifs

Lors de cette conférence, Alexandre Monnin revient sur les recherches de Michel Bauwens concernant les communs, telles qu'elles sont présentées dans son livre "Sauver le monde"1. Selon Bauwens, les communs offrent une réponse, mais Monnin estime qu'il est important d'aller plus loin et de réintégrer la notion de communs dans l'anthropocène. Bien que les ressources naturelles soient souvent évoquées dans le mouvement des communs, il est également important de considérer l'héritage, comme cela a été mentionné précédemment, y compris les ruines qui revêtent également une grande importance. Monnin fait la distinction entre les ruines ruinées, qui soulèvent des questions sur l'action collective au-delà de l'investissement (comme une friche qui pourrait intéresser un promoteur immobilier), et les ruines ruineuses, qui fonctionnent mais génèrent des conséquences négatives, telles que les mines de charbon, la 5G ou les décharges industrielles.

Comment aborder cet héritage ? Pour répondre à cette question, Alexandre Monnin cite Walter Benjamin2, un philosophe allemand qui avait l'habitude de dire que "la vraie ruine pourrait bien être la ville bourgeoise". Bien qu'elle ne ressemble pas à une ruine, elle fonctionne comme telle. Par conséquent, il est important de se demander comment la préserver. L'héritage ne peut être rejeté collectivement, même s'il peut être refusé individuellement. De ce fait, il est crucial de comprendre le monde dans lequel nous vivons, d'hériter pour mieux analyser, trouver des solutions, envisager une autre trajectoire et penser à l'échelle globale et terrestre.

Comment politiser ?

Selon Alexandre Monnin, l'attachement à l'échelle collective peut poser problème. Il est nécessaire de choisir ou de renoncer à cet attachement, mais il faut faire attention à ne pas tomber dans le déterminisme. Monnin aborde la sociologie des attachements de Callon1, qui traite de ce à quoi nous sommes attachés et de ce qui nous tient ("ce à quoi on tient, ce qui nous tient"). Les attachements sont souvent involontaires et non voulus, et les individus eux-mêmes sont les experts de leurs propres attachements.

Il soulève les questions suivantes : est-ce que se détacher est une solution ? Comment les individus peuvent-ils s'impliquer dans un processus de désattachement ? Que devient le territoire ? Comment peut-on envisager la fermeture sans rendre encore plus vulnérables des personnes déjà fragilisées ? Il est important de critiquer la société qui les met en situation de vulnérabilité accrue et de réfléchir aux attachements.