Revue de littérature #48

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Face à la crise écologique, le défi lancé par les jeunes générations aux écoles et aux universités

Extraits de l'article The Conversation d'Alessia Lefébure, Sociologue, membre de l'UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP), publié le 12 juillet 2023.

Les jeunes souhaitent contribuer à un monde meilleur, ils s’en sentent responsables, et attendent de leur école ou de leur université de les préparer à un métier en accord avec leurs convictions. Il s’agit d’un sérieux défi pour les établissements d’enseignement supérieur qui doivent répondre à ces attentes s’ils souhaitent rester attractifs et continuer à former les talents de chaque nouvelle génération.

Les ambitions et les aspirations des jeunes convergent mondialement. Quel que soit le pays, leur implication dans la question écologique est croissante. Dans l’enquête menée en 2019 par WISE, Ipsos et JobTeaser1 dans cinq pays, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) faisait son entrée parmi les cinq critères intervenant dans le choix d’un emploi les plus cités.

Si les jeunes générations ont des aspirations claires, elles ne se sentent pas toujours préparées à les réaliser, au regard des connaissances et compétences requises. Une enquête2 conduite en France auprès des 18-35 ans en 2021 par la Fondation de France avait montré que beaucoup de jeunes, bien que préoccupés par les questions environnementales, avouaient ne pas bien connaître la signification d’expressions telles que « gaz à effet de serre » (46 % des répondants) ou « empreinte écologique » (55 % des répondants). En effet, toutes les écoles et universités ne sont pas encore en mesure de bien cibler les compétences à mobiliser pour devenir acteurs de la transition écologique, car les cursus de formation sont souvent organisés selon des logiques disciplinaires. Et quand les compétences sont identifiées, elles le sont par métier ou alors elles relèvent des compétences transversales ou « soft skills », ce qui ne correspond pas aux attentes des étudiants pour se positionner sur des métiers à fort impact.

Paradoxalement, plus les étudiants sont formés, plus ils acquièrent les clefs de compréhension des mécanismes du vivant et des limites planétaires, plus leur revendication est forte. Ce sont avant tout les étudiants et diplômés des grandes écoles d’ingénieur qui ont exprimé le besoin d’une formation plus ambitieuse. Si savoir, c’est comprendre les interdépendances entre l’action humaine et les crises écologiques, cette prise de conscience de sa propre responsabilité génère un devoir d’action. 

Dans ce contexte, beaucoup de responsables d’établissements d’enseignement supérieur ont pris des mesures pour retenir les étudiants et prouver leur pertinence aux employeurs. Dans un premier temps, ces mesures ont principalement été des déclarations publiques.

En France, les responsables de l’enseignement supérieur on fait entendre leur volonté d’introduire davantage d’enseignements liés au climat et à l’environnement. L’année 2019 a été ponctuée de déclarations appelant le gouvernement à consacrer des ressources financières supplémentaires dans le but de pouvoir former tous les étudiants aux questions climatiques et écologiques. Suivant l’exemple de nombreuses universités européennes et américaines, la majorité des présidents et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur français, rejoints par les conférences nationales (CPU, CGE, CDEFI), ont annoncé vouloir faire du climat une « urgence »3, engageant ainsi leurs communautés dans une transformation efficace et rapide à travers l’évolution des cursus, la formation du personnel, l’introduction de pratiques responsables dans la gestion du campus et de la vie étudiante.

Un consensus s’est établi sur le fait que répondre au double défi climat-biodiversité nécessite des formations renouvelées pour tous les métiers du privé et de la fonction publique, ainsi que l’introduction de la préoccupation climatique et écologique dans toutes les politiques publiques et dans les stratégies d’entreprise.

En France, la situation est très contrastée. Jusqu’à une époque très récente, peu de cursus proposaient des cours obligatoires liés aux enjeux énergétiques et climatiques, comme le montrait un rapport publié par le Shift Project en mars 20194 sur l’enseignement supérieur et le climat. Les écoles d’ingénieurs offrent traditionnellement plus de cours que les écoles de management et, même dans les universités, les étudiants inscrits dans des programmes de science, technologie, ingénierie et mathématiques ont plus de cours liés à l’environnement que les autres. Enfin, ces cours sont généralement réservés aux cycles supérieurs, presque jamais au premier cycle, produisant ainsi de fortes inégalités d’accès. L’enjeu a été donc de passer d’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous. C’est le rapport5 remis en 2020 par le paléoclimatologue Jean Jouzel et par l’écologue Luc Abbadie à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a fait bouger les lignes sur ces aspects. En recommandant de généraliser l’approche environnementale à toutes les formations, le rapport fait de la transition écologique une partie intégrante des parcours de formation de premier cycle, de façon à ce que tous les étudiants de niveau bac+2, toutes filières confondues, disposent des quelques compétences communes.

La dimension pluridisciplinaire de la transition écologique – mobilisant des savoirs allant de la géographie à la biologie, de la philosophie à l’économie en passant par les sciences de la terre – ajoute un obstacle supplémentaire à la nécessaire adaptation des formations et génère des formes de résistance à tous les niveaux. En effet, un cours commun à tous les programmes d’enseignement et disciplines est beaucoup plus difficile à réaliser que n’importe quel enseignement spécialisé. Pourtant, ce que l’on attend de l’enseignement supérieur, sous peine de désaffection chronique, est la promesse de former tous les futurs professionnels, pas seulement ceux qui travailleront dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, pour qu’ils sachent naviguer dans la complexité.

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Cybermonde, l'avenir c'est maintenant

Découvrez ce documentaire d'Arte, Cybermonde - L'avenir c'est maintenant. La promesse d'Internet, l'or noir des data, l'intelligence artificielle, la cyberguerre" : en quatre tableaux, revue des récents bouleversements causés par l'irruption du cyber dans nos vies.

Le préfixe cyber est issu d’un mot de grec ancien qui signifie "contrôler". Mais sommes-nous réellement capables de maîtriser des technologies qui nous dépassent ? Depuis 2016 et les ingérences étrangères dans l'élection américaine, puis celles ayant accéléré l'avènement du Brexit, les évolutions du cyber ont pris une place quasi monopolistique dans nos vies, aussi bien dans le cadre privé qu'à l'échelle de nos sociétés. De l'invention d'Internet au nouvel or noir des data, sans oublier la frénésie actuelle causée par le bond en avant de l'intelligence artificielle et l'importance prise par la guerre cyber, actuellement au premier plan de la stratégie russe contre l'Occident (suivant la vieille doctrine soviétique des trois D : "duperie, dénégation et désinformation"), revue des récents bouleversements de notre nouveau "cybermonde".

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Courrier International : L'eau notre bien commun

Edito de Virginie Lepetit, publié le 09 août 2023 

Le Courrier International relaye en Une un plaidoyer d'économistes et de scientifiques appelant à une gestion commune de l'eau. Dans ce numéro, l'équipe éditoriale revient sur l’eau. "Cet élément vital, de plus en plus menacé, et qu’il nous faut considérer et gérer comme un bien commun universel afin qu’il échappe à la loi du marché. C’est indispensable et urgent, plaident plusieurs économistes et scientifiques dans “Nature”."

"Ce qui nous a décidés à faire la une de ce numéro avec ce dossier, c’est la défense, dans le magazine britannique Nature, par plusieurs économistes et scientifiques d’une meilleure économie de l’eau. “Depuis des millénaires, rappellent-ils, le cycle de l’eau, avec les réserves de ce précieux liquide qu’il nous apporte, assure des conditions propices au développement de l’humanité sur Terre. Or la pression anthropique perturbe ce cycle, allant jusqu’à compromettre l’équilibre des précipitations.”

Cette pression anthropique, c’est non seulement le dérèglement climatique, dont les effets (sécheresses, canicules, précipitations, inondations…) se font chaque saison plus violents et plus intenses – ce mois de juillet, le plus chaud jamais enregistré sur la planète, en est l’illustration –, mais ce sont aussi les prélèvements abusifs d’eau douce dans les nappes phréatiques et les autres réservoirs. L’humanité épuise ses réserves, et ça n’est pas durable.

Il faut inventer une nouvelle économie de l’eau. Pour commencer, “nous devons aller au-delà de notre pratique actuelle, qui consiste à capter l’eau bleue, laquelle constitue 35 % de toute l’eau douce sur Terre, pour également prendre en compte l’eau verte, laquelle représente les 65 % restants”. Cette eau verte, c’est celle présente dans l’air, la biomasse et les sols. Cette eau, et l’eau présente dans l’atmosphère, n’appartiennent ni à un pays, ni à une entreprise, ni à un individu : “Il n’existe pas un seul pays sur Terre dont plus de la moitié de l’humidité vient de l’intérieur de ses frontières. Même dans les plus grands pays, les précipitations dépendent de l’eau qui s’évapore ailleurs.”

Comprendre comment tous les phénomènes liés à l’eau sont interconnectés, comment les flux atmosphériques interagissent, mettre en commun savoirs et ressources, ce sont les conditions pour changer de modèle. “Comme pour la comptabilisation des gaz à effet de serre, les Nations unies et les autres organisations nationales et internationales doivent mettre au point des mécanismes de surveillance des ressources en eau de la planète. Il y va de l’avenir du système sanguin de notre planète”, rappellent les auteurs. Un plaidoyer que nous relayons."

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