Revue de littérature #56

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Face aux Gafam, les Chatons sortent les griffes

Article du Monde par Bastien Lion, publié le 14 octobre 2023

Le Collectif des hébergeurs alternatifs, transparents, ouverts, neutres et solidaires (Chatons) regroupe 96 associations un peu partout en France. Ces militants des logiciels libres développent des outils pour éviter le recours aux applications fournies par les géants du numérique.

Gmail, Drive, Messenger… gratuits pour l’usager, les services des Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ne sont pas sans contrepartie. Ces géants de la technologie aspirent les données personnelles, qu’ils valorisent et commercialisent sans reverser le moindre centime à leurs propriétaires. Rebutés par ces pratiques, Adrien Luxey-Bitri, 28 ans, et Quentin Dufour, 30 ans, tous deux titulaires d’un doctorat en informatique, bataillent pour proposer des solutions de remplacement.

Avec d’autres passionnés, ces deux « bidouilleurs » ont cofondé en 2020, à Rennes, l’association Deuxfleurs pour mettre à disposition du citoyen des services aux fonctions similaires à ceux des Gafam. A la place de l’application de messagerie WhatsApp, Deuxfleurs propose Matrix ; pour remplacer les visioconférences Zoom, ils misent sur Jitsi. Et pour le travail en collaboration, ils détrônent Google Drive par CryptPad.

Dans son combat contre l’emprise des géants du numérique, Deuxfleurs n’agit pas seule. L’association est l’une des 96 structures similaires créées ces dernières années dans l’Hexagone par des militants bien décidés à multiplier les services technologiques à destination du public. Elles sont regroupées sous la bannière du Collectif des hébergeurs alternatifs, transparents, ouverts, neutres et solidaires, plus connu sous son acronyme, Chatons.

Ce collectif militant prend racine en 2014 avec le déploiement de l’initiative « Dégooglisons Internet », lancée par Framasoft. Cette association d’éducation populaire, née en 2004, se bat pour que le Web reste accessible à tous et que les données des internautes ne soient pas captées abusivement par les géants du secteur.

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C’est encore loin les communs ?

Article de Hubert Guillaud, journaliste, spécialiste des systèmes techniques et numériques, publié le 10 octobre 2023
À propos du livre de Thomas Perroud, Services publics et communs : à la recherche du service public coopératif, Le Bord de l’eau, 2023.

"Je suis toujours frappé de constater combien les services publics sont peu démocratiques. Bien souvent, les usagers y sont totalement absents. On ne leur demande jamais leur avis – et quand c’est le cas, c’est toujours pour des choses insignifiantes, dans des formes dites participatives qui ne sont rien d’autres que consultatives. Quant à avoir une place dans les décisions qui sont prises pour eux, je pense que nous sommes nombreux à la chercher encore. Les usagers sont au mieux sur le strapontin, toujours au menu, mais jamais à la table des décisions. Quand ils disposent d’une représentation, tout est fait pour qu’elle soit minoritaire. 

Le professeur de droit public Thomas Perroud vient de publier un livre qui cherche à comprendre pourquoi la France est si frileuse en la matière, pourquoi la démocratie administrative demeure si loin de nos pratiques. Dans Services publics et communs : à la recherche du service public coopératif, Perroud rappelle que le service public a pris son essor dans une conformation autoritaire qui a toujours laissé peu de place à la parole des usagers comme des agents. L’administration considère son public comme des enfants. Pour Perroud, cela explique combien nous sommes en retard dans le renouvellement des rapports entre l’usager et l’État, combien nous ne parvenons pas à produire le moindre commun. Perroud nous aide à comprendre pourquoi « le projet démocratique n’a pas pénétré profondément l’État ». "

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Mobicoop, le covoiturage gratuit pour les citoyens, accélère le rythme

Article du Monde, par Hélène Seingier, publié le 13 octobre 2023

Tout a commencé par une indignation. En 2011, après avoir séduit 3 millions d’utilisateurs en Europe, la plate-forme gratuite Covoiturage.fr – aujourd’hui Blablacar – annonce qu’elle devient payante. Désormais, chaque passager embarquant dans une voiture inconnue afin de partager trajet et frais devra s’acquitter d’une commission de 20 %. Une poignée de rebelles s’insurge et crée l’association Covoiturage libre, avec sa plate-forme du même nom. En 2018, la structure compte près de 200 000 utilisateurs, opte pour le statut de coopérative et se renomme Mobicoop.

C’est à cette période que Bastien Sibille, aujourd’hui président de la structure, rejoint l’aventure. Pour ce fervent défenseur des logiciels libres, « les grandes plates-formes comme Uber ou Airbnb sont collaboratives mais pas coopératives : derrière une apparence très cool de location de canapé, on trouve toujours des fonds d’investissement qui prélèvent des commissions et commercialisent les données des utilisateurs ».

Mobicoop, à l’inverse, privilégie la gratuité et la gouvernance démocratique. Pour les 600 000 utilisateurs, en effet, la mise en contact pour un covoiturage est gracieuse. Les revenus de la coopérative proviennent de ses prestations pour des collectivités locales et des entreprises. Elle développe à leur attention des plates-formes de covoiturage sur mesure et en assure l’animation.

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Les communs numériques, graines de transition et de souveraineté

Article du Monde rédigé par Claire Legros et Isabelle Hennebelle, publié le 9 octobre 2023

Les temps de crise révèlent des initiatives qui ouvrent la voie à la résilience. Pendant la pandémie de Covid-19, ce sont des ingénieurs bénévoles qui, en 2020, ont développé sous logiciel libre le site d’information CovidTracker, puis l’application de localisation des vaccins Vite ma dose un an plus tard. Dans le même temps, le réseau des fab lab, ces tiers-lieux participatifs, répondait aux appels à l’aide des soignants en fabriquant et en distribuant localement des milliers de visières et de respirateurs grâce à des plans sous licence Creative Commons – un outil qui permet aux créateurs de laisser, à certaines conditions, le public copier leurs œuvres, les modifier ou les utiliser pour en faire autre chose.

De l’encyclopédie Wikipédia à la base de données cartographiques OpenStreetMap en passant par l’emblématique système d’exploitation libre Linux, leader dans la plupart des serveurs qui font tourner les grands services du Web, ces communs sont devenus incontournables et ont prouvé l’efficacité du modèle ouvert et coopératif. 

Pourtant, ces initiatives restent aussi fragiles. Les communs numériques ne tiennent souvent dans la durée que grâce à la bonne volonté de militants qui s’épuisent. Depuis quelques années, une réflexion s’est engagée au sein de l’Etat pour les soutenir. La direction interministérielle du numérique accompagne au sein de son « accélérateur d’initiatives citoyennes » des projets de communs numériques d’intérêt général, comme la base de données de produits alimentaires « créée par tous et pour tous » Open Food Facts, ou le système de détection précoce des feux de forêt grâce à l’intelligence artificielle, mis au point par l’association Pyronear.

« L’Etat sort d’une logique d’achat et de prescription pour jouer le rôle de catalyseur d’initiatives qui représentent une richesse pour une action publique plus ouverte, distribuée et robuste », relève Pierre-Louis Rolle, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). C’est justement pour sensibiliser le public à ces idées que l’ANCT organise, cette année à Bordeaux, les 19 et 20 octobre, la sixième édition de l’événement Numérique en commun[s] (NEC) dont Le Monde est partenaire.

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Numérique en commun[s] (NEC)

50 ans de massification universitaire... et après ?

La conférence intitulée "50 ans de massification universitaire... et après ?", donnée par Julien Gossa, maître de conférences à l'Université de Strasbourg, et animée par David Cayla.

La conférence intitulée "50 ans de massification universitaire... et après ?", donnée par Julien Gossa, maître de conférences à l'Université de Strasbourg, et animée par David Cayla.

Transcription

La conférence intitulée "50 ans de massification universitaire... et après ?", donnée par Julien Gossa, maître de conférences à l'Université de Strasbourg, et animée par David Cayla. Elle a eu lieu le mercredi 11 octobre 2023 à la faculté de Droit, d'Économie et de Gestion d'Angers.

Le XXe siècle fut celui de la massification universitaire, faisant rapidement passer le nombre d'étudiants de quelques centaines de milliers à désormais trois millions.

Après ce régime de massification, nous entrons dans une nouvelle phase, inédite dans l'histoire des civilisations, caractérisée par une stagnation éducative. C'est dans ce contexte que l'Université, et plus largement l'éducation, sont entrés dans un régime de réforme permanente, transformant en profondeur nos institutions, leur fonctionnement comme leurs missions.

Cela nous conduit à cette simple question : quel rôle voulons-nous donner à l'Université dans ce XXIe siècle post-massification ?

Julien Gossa est maître de conférences au laboratoire SAGE, Université de Strasbourg - CNRS, membre de la CPESR.
Il travaille sur l'utilisation des données administratives ouvertes pour évaluer les politiques publiques, notamment dans le champ de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L’Arcep et l’Arcom lancent une consultation publique sur le référentiel général de l’écoconception des services numériques

La loi relative à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique (loi REEN) a confié à l’Arcep et l’Arcom la définition, en lien avec l’ADEME, du contenu d’un référentiel général de l’écoconception des services numériques. Aujourd’hui, les deux autorités lancent une consultation publique sur un projet de référentiel réalisé en collaboration avec l’ADEME, ainsi que la DINUM, la CNIL et l’Inria. Il prend en compte les travaux préliminaires de la mission interministérielle numérique écoresponsable (MinNumEco). L’objectif est d’établir d’ici début 2024 un nouveau référentiel, socle commun de bonnes pratiques pour réduire l’empreinte environnementale des services numériques.

Le projet de référentiel général de l’écoconception des services numériques mis en consultation vise à fournir une grille de référence pour les professionnels du numérique souhaitant s’engager dans une démarche d’écoconception.

Le référentiel permettra le calcul d’un score d’avancement pour suivre les performances environnementales d’un service numérique. Il invite par ailleurs les acteurs souhaitant utiliser le référentiel à publier une déclaration d’écoconception afin d’assurer un niveau d’information suffisant envers les utilisateurs sur les efforts effectivement mis en œuvre en matière de réduction d’impacts.

L’avis de toutes les parties prenantes est sollicité du 9 octobre au 9 novembre 2023. Un atelier de concertation technique sera également organisé le 30 octobre à l’Arcep en collaboration avec l’Institut pour un numérique responsable.

Après l’analyse des contributions à la consultation publique et des retours de l’atelier, la version finale du référentiel général de l’écoconception des services numériques sera publiée d’ici début 2024.

En savoir plus
Lien vers la consultation en cours