Revue de littérature #61

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Donner une valeur économique à la nature : un changement de paradigme ?

Article The Conversation, publié le 20 novembre, rédigé par Alexandre Rambaud, Maître de conférences en comptabilité - Co-directeur des chaires "Comptabilité Ecologique"et"Double Matérialité", AgroParisTech – Université Paris-Saclay

Pour Alexandre Rambaud, "la question de donner une valeur économique à la nature n’est pas nouvelle et a fait l’objet de nombreux débats. Elle reste une problématique singulière dans le cadre des enjeux de soutenabilité. Elle évolue notamment dans une tension entre une sorte de nécessité d’intégration de la nature dans le système économique pour « mieux » la prendre compte et le risque de la marchandiser, de la réduire à un simple bien ou service économique."

Cette question est principalement abordée selon une rationalité économique particulière, devenue dominante, celle de l’économie néoclassique, reposant sur une axiomatique spécifique qui conditionne ainsi la conception de la « réalité » socio-économique. Schématiquement, selon ce point de vue, les agents économiques sont supposés être uniquement des êtres humains, cherchant à maximiser la satisfaction de leurs préférences individuelles.

Les entreprises n’y sont que des fictions, un « nœud de contrats » : seuls existent des actionnaires/propriétaires visant à accroître leurs dividendes en faisant progresser la productivité des actifs exploités. La société non plus n’existe pas réellement et est en fait un « simple » agrégat d’individus. La nature n’y joue qu’un rôle périphérique, instrumentalisé.

Différentes réflexions, en lien notamment avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), tendent néanmoins à proposer un cadre conceptuel nouveau. L'idée serait d'introduire la nature dans l’économie néoclassique.

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Ada et les communs numériques pour les jeunes

Article du Monde, publié le 10 novembre 2023, rédigé par Serge Abiteboul, Inria Paris et Thierry Viéville, Inria Bordeaux.

"Parce qu’il voulait expliquer à ses enfants son travail d’activiste du logiciel libre, Matthias Kirschner, président de la Free Software Foundation Europe, a écrit « Ada et Zangemann », un livre pour la jeunesse superbement illustré par Sandra Brandstätter.

D’abord, il s’agit de médiation en informatique pour des jeunes, une passion que nous partageons. Ce livre arrive à présenter de façon ludique l’enseignement et la pratique de la programmation. Et puis il résonne avec un sujet phare de binaire, la parité en informatique. La codeuse est une fille. Yes ! Encore mieux, elle vient d’un milieu défavorisé, et le livre n’oublie pas les minorités ethniques ni les personnes handicapées.

Mais ce n’est pas tout. Le livre coche tellement de cases dans la catégorie des communs numériques que c’est presque trop beau. Il discute de logiciel libre, la mère de tous les communs numériques. Leurs avantages sont présentés de manière simple et compréhensible.

Et puis, le livre est publié sous licence libre Creative Commons BY-SA. Enfin, sa traduction en français a été réalisé de manière collaborative, par 114 élèves de collèges et de lycées, leurs quatre enseignantes, l’ensemble étant coordonnée par Marion Gaudy et Thérèse Clerc de l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France, sur une idée d’Alexis Kauffmann, chef de projets logiciels et ressources éducatives libres au ministère de l’Éducation nationale et fondateur de Framasoft.La publication de ce livre bénéficie d’ailleurs du soutien de la Direction du numérique pour l’éducation qui a souhaité rendre librement disponible sa version numérique pour en faire un commun numérique mis à disposition de toutes et tous."
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Le numérique, outil de destruction de l’enseignement public ?

Article publié le 19 novembre, par Manouk Borzakian

"Les études montrant les effets dramatiques des écrans sur le cerveau s’accumulent. Parallèlement, la numérisation à marche forcée de l’enseignement se poursuit. Avec Bienvenue dans la machine (éd. Écosociété), les philosophes Éric Martin et Sébastien Mussi apportent leur contribution à la critique du tout numérique, entre constat clinique et réflexion sur le sens de l’existence."

C’est un petit accroc dans la bien huilée démocratie helvétique. Au printemps dernier, le Conseil communal (assemblée consultative) de Lausanne découvrait qu’en matière de numérisation des écoles, la commune devait se plier aux décisions prises à l’échelle cantonale. Il faudra donc, pour près de onze millions de francs et malgré quelques (timides) oppositions, équiper les écoles de la ville en tableaux interactifs.

Un micro-événement, peut-être. Mais on pourrait multiplier les exemples de ces dépenses multimillionnaires dans le pays, comme ailleurs en Europe et en Amérique du Nord. Et constater le même consensus au sein de l’essentiel de la classe politique.

Les mesures austéritaires taillent continument dans la santé et l’éducation, mais l’argent coule à flots pour financer des installations numériques en tout genre de l’école maternelle à l’université : équipement des élèves en tablettes, informatisation des fronts de classe, dématérialisation des supports de cours, achat de licences pour des applications censées révolutionner l’enseignement… la liste évolue au rythme de l’inventivité des entreprises du secteur."

Les enquêtes documentant les dégâts du numérique sur la qualité de l’enseignement ne manquent pourtant pas. Éric Martin et Sébastien Mussi rappellent l’échec cuisant de l’enseignement à distance durant la pandémie de Covid-19: les cours en ligne ont causé des retards dans les apprentissages et généré une perte de motivation et d’investissement. À rebours des beaux discours sur une supposée meilleure prise en charge des élèves en difficulté, les plus vulnérables ont le plus pâti de la situation.

L’expérience des MOOC, ces cours en ligne censés démocratiser l’accès à toute sorte de savoirs, l’avait déjà montré. Passé l’enthousiasme – et les juteux profits – des débuts, il a bien fallu se rendre à l’évidence : avec des taux d’abandon stratosphériques, les MOOC ont tout au plus profité à quelques personnes déjà diplômées du supérieur. Plus largement, le psychiatre allemand Manfred Spitzer, avec d’autres, a dressé la liste des conséquences néfastes des écrans en contexte scolaire, en particulier sur les apprentissages fondamentaux comme la lecture et l’écriture. Au point que la Suède, pionnière en la matière, semble sur le point de faire machine arrière.

Comment expliquer le consensus accompagnant la numérisation à marche forcée de l’enseignement ? Il y a, évidemment, une idéologie du « progrès » technologique bien ancrée dans les sociétés occidentales, posant l’évolution technique comme une nécessité, une norme dont la critique est inconcevable."

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